27/1-01 Rose
De Russell T. Davies
Réalisation : Keith Boak
Rose Tyler est une jeune vendeuse londonienne qui partage sa vie entre son boyfriend Mickey et sa mère un peu fantasque et pas très futée (qui serait insupportable dans une autre série). Mais cette vie ‘normale’ est sur le point de basculer. Un jour ou elle se trouve dans les locaux de la boutique à l’heure de fermeture, les mannequins se mettent à bouger et à l’agresser. Un étrange inconnu, le Docteur, débarque et fait exploser la boutique. Rose est au chômage. Mais ça n’est pas grave car on retrouve facilement du taf en Grande Bretagne. Derrière cette attaque hors du commun, et c’est bien plus grave, se dissimulent des E.T peu scrupuleux qui peuvent contrôler le plastoc à l’aide d’une conscience. Rose décide d’enquêter sur cet individu énigmatique et jovial, entre temps réapparu dans sa vie et qui semble laisser une trace à plusieurs époques. Elle le retrouvera au cœur de la ville, rencontrera son nouveau TARDIS et l’aidera à ne pas périr lors d’une intervention peu réfléchie. Au terme d’un affrontement ou les mannequins en viendront aux armes et mettront la panique dans les rues de Londres, Rose acceptera d’accompagner le Docteur dans ses aventures spatio-temporels.
Suite à un projet de film avorté avec Paul Thomas Anderson et plusieurs pistes abandonnés , le créateur de la série Queer as Folk Russell T.Davies parvient à lancer le 26 mars 2005 le grand retour du seigneur du temps. La production est aux Pays de Galles, sous l’égide de Julie Gardner et de BBC Wales, de Mal Young et du producteur Phil Collinson. L’attente est fébrile pour des générations d’anglais, mais aucun succès n’est certain car le paysage audiovisuel a bien changé depuis 1989. Rose est finalement bien accueilli, et ce n’est que justice. Ce premier épisode est un très bon départ qui possède en germe toutes les bonnes recettes du relaunch, sans toutefois dévoiler tout des directions passionnantes que la série saura faire éclore / revenir au fil de la saison 1 et confirmer ensuite. A travers un recyclage particulièrement bienvenu des autons (ils avaient déjà inauguré le passage à la couleur de la série en 1970 !), la SF s’insère dans le quotidien de 2005 de manière intelligente, ne manquant pas de rire du consumérisme généralisé tout en distillant une bonne humeur et un en-train communicatifs sur toute la longueur de l’épisode. La réalisation de Keith Boak, dépêché suite au désistement d’Edgar Wright parti concocter Shaun of the Dead, est énergique et moderne. Elle dissimule tant que faire se peut le peu de moyens de production des anglais pour concurrencer des séries américaines de plus grande ampleur et historiquement plus rodés à la SF.
Les backstreet boys prennent d’assaut Madame Tussauds
Le rythme de Rose ne faiblit jamais et le coté cheap s’intègre finalement bien, les effets liés aux autons étant particulièrement soignés. Le seul hic demeure une fin trop vite expédiée, finalement relative eut égard à la densité de cette introduction. Le mélange réussi de genre, de liberté de ton, de série B et d’humour inséré dans le quotidien n’est pas sans rappeler la série Buffy contre les vampires, à laquelle ce relaunch de Doctor Who reprendra, du moins sous Russell T.Davies, la construction saisonnière progressive (un fil rouge menant au season finale au milieu de loners). Mais la comparaison ne va pas beaucoup plus loin, car Rose est unique dans le paysage audiovisuel, et même dans l’histoire de Doctor Who. Tout en tentant de se fondre formellement dans la production du moment, elle contient à la fois les germes du nouvel âge d’or de la fiction anglaise (Life on Mars et the Office apparaissent à la même époque) et une originalité héritée de près de trois décennies de programme.
Plastic Mickey ou l’étrangeté décomplexée
Afin de marquer la séparation entre les deux séries, le format écran large est adopté et la durée de l’épisode passe à 45 minutes. Une expérimentation en phase avec les formats sériels américains plus qu’un retour aux durées expérimentées lors de l’époque du sixième Docteur. Mais le plus gros bouleversement et une des plus grandes forces de la nouvelle série est la personnalisation des thèmes musicaux, portés par le talentueux compositeur Murray Gold. Par cet accompagnement, on identifie très vite la portée de l’action du Docteur ainsi que le merveilleux et de l’aventure à venir, même dans une exposition très terrienne. Mais nous ne partons pas de zéro. Le neuvième Docteur interprété par Christopher Eccleston a un passé, même s’il est confus. Il semble découvrir le nouveau corps hérité de sa régénération tout en ayant vécu visiblement plusieurs aventures prises à la volée et exposées sur internet (la photo lors de l’assassinat de Kennedy renvoie visiblement à la date de première diffusion de la série classique).
On sait déja que Christopher Eccleston sera une incarnation très intéressante, plutôt proche de Four dans l’attitude, la folie ambiante étant remplacée par une dualité finement rendue. Nine est jovial, mais il dissimule une gravité déjà visible dans un de ses premiers échanges avec Rose. La conscience Nestene reconnaît la technologie des seigneurs du temps dans le TARDIS et prend peur, car la raison de son invasion terrienne est bien la guerre du temps qui a décimé leur planète. Peu de whovians auraient parié un penny (dreadful) sur Billie Piper, sorte de Britney Spears anglaise orientée vers une carrière d’actrice, mais il ressort de son jeu un naturel désarmant et un talent évident. L’alchimie avec Nine est immédiate, à l’image de celle qui unissait Seven et Ace dans une époque qui ne semble plus si lointaine. Rose partage aussi avec la compagne précédente l’audace et l’attrait de l’aventure, mais il lui reste, contrairement à Ace, de nombreuses attaches sur Terre. Les seconds rôles plus comiques sont très bien écrits et l’originalité est la qualité qui saute aux yeux, du moins pour le spectateur novice. Aussi vieux soit-il, Doctor Who sème un vent de fraîcheur sur le petit écran. Les plus aguerris savent que ce n’est pas une recette miracle. Juste la combinaison du bon moment, des bons acteurs, d’une équipe dévouée et d’un personnage rentré depuis longtemps dans l’inconscient collectif des britanniques. L’invasion des autres pays est en marche.
N : 7
IM : 9
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