33 / 7-03 A Town called Mercy
De Toby Whithouse
Réalisation : Saul Metzstein
Alors qu’il devait amener Amy et Rory au Mexique, Eleven atterrit dans un village de l’Ouest Américain une poignée d’années après la fin de la guerre de Sécession. Ce village nommé Mercy (miséricorde) porte bien son nom. En plus des colons de tous horizons, il a accueilli en son sein un extraterrestre, Le Dr. Kahler Jex, qui les a soigné en retour et transmis une infime partie de la science de son peuple (l’électricité, avec quelques années d’avance). Mais le village est cerné depuis trois semaines par un cyborg tueur venu de l’espace, le Gunslinger, qui réclame qu’on lui livre le docteur Jex. Il a tracé une ligne à la sortie du village, condamnant tout ravitaillement et exposant les habitants de Mercy à une mort lente. Ceux-ci finissent par être prêts à livrer leur bienfaiteur aux cyborgs, mais le marshall Isaac ne peut se résoudre à abandonner Kahler Jex. Notre Docteur, Amy et Rory décident de les aider en mettant le robot hors d’état de nuire.
Un justicier de l’Ouest qui ne tue pas les innocents. Y’a du soucis à se faire.
En regagnant son vaisseau, Eleven découvre que Kahler Jex ne dit pas tout de son passé. Au cœur des champs de bataille de sa planète, le scientifique a autrefois converti des soldats en cyborgs militaires pour des destructions de masse. Le Gunslinger est issu de ces expériences. Ne se résolvant pas à tuer des innocents, il a construit la ligne pour que les habitants lui livrent Jex, le dernier scientifique restant, et qu’il puisse exécuter sa vengeance. Criminel de guerre repentant, Kahler Jex renvoie indirectement au War Doctor génocidaire qui fera son apparition au 50ème anniversaire. En livrant Kahler Jex au cyborg, c’est lui-même que le Docteur veut punir, pour avoir commis deux génocides. A town called Mercy remet au centre des enjeux une guerre du temps qui semblait avoir disparue depuis le début de l’ère Moffat, mais qu’Eleven ne faisait que fuir. Le Docteur se trouve donc confronté à un miroir de sa culpabilité dans une scène de confrontation évocatrice avec Jex, bien que les deux personnages soient fondamentalement différents. Loin de tout manichéisme, Toby Whithouse fait ressortir la peur ressentie par Jex, que sa croyance empêche de connaître une rédemption même dans la mort, d’où la lâcheté du personnage. Après The God Complex, le scénariste montre une nouvelle fois une bonne aptitude à saisir le personnage du Docteur.
Le Docteur fuyant retrouve sa culpabilité
Suite à la mort du marshall Isaac qui s’est sacrifié pour Kahler Jex, le Docteur se retrouve à son tour marshall et forcé de faire respecter l’ordre le flingue à la main. Un fardeau dont Eleven se saisit sans problème, étant un peu moins tatillon avec le port d’armes que ses prédécesseurs. Ces fonctions préfigurent également d’autres fonctions similaires d’Eleven tenues de manière plus longue (spoilers) dans une autre ville qui s’appelle Noël. A town called Mercy permet à Karen Gillan de rayonner dans l’ombre, dans une position de shérif adjoint bien méritée. Le temps de la compagne capricieuse et juvénile est passé. L’actrice transmet la sagesse héritée des pertes qu’elle a subies, et aussi des années, puisque désormais le Docteur ne rend plus visite aux Pond qu’à l’occasion. Et elle le fait très bien, profitant du côté moins sombre de ce début de saison pour capter la caméra à la moindre occasion. Un côté moins sombre en apparence car derrière ses dehors d’épisode entertainment, a town called Mercy traite de sujets bien plus globaux que la saison 6, qui était mythologico-centrée. Il est bon de rappeler que Doctor Who peut traiter de sujets complexes (ici le crime de guerre/la peur transformée en violence/la difficulté de bien juger une personne en s’étant trop isolé des affaires humaines) en ne prenant pas son public plus jeune pour des demeurés. A l’instar du double The Hungry Earth / Cold Blood, la série n’est jamais aussi bonne que quand elle va au-delà de la métaphore du monstre dans le placard. L’axe choisi pour fêter l’anniversaire de la série sera là pour nous le confirmer.
Amy Pond, un bien charmant garde fou
Dans l’optique blockbuster post 90’s de ce début de saison, l’épisode se pose aussi comme un moment de détente hautement référentiel. Terminator constitue la référence la plus évidente, à travers la scène d’ouverture en vue subjective du cyborg. On retrouve aussi beaucoup de Lucky Luke à travers le croque mort ou un court duo entre le Docteur qui parle le cheval et une monture nommée Susan (par choix personnel). Doctor who oblige (et peut-être pour ne pas froisser le public de BBC America), l’époque des pionniers est traitée avec une certaine naïveté (des innocents dans le grand Ouest, mouais) et à l’aune de nos propres valeurs. On ne cherchera donc pas de vérité historique dans cette histoire, juste une succession de vignettes cinématographiques soutenant un propos plus ambitieux. Le tournage dans les studios d’Alméria (Andalousie), centre cinématographique du western européen, œuvre à transmettre plutôt bien ce dépaysement.
Once upon a Doctor in the West
Revoir le Docteur se frotter au grand Ouest rappelle également, non sans une certaine nostalgie le Wyatt Earpien The Gunfighters du premier Docteur. Niveau acteurs invités, A town called Mercy recrute Ben Browder, le John Crichton de Farscape dans le rôle du marshall Isaac et Adrian Scarborough (Kahler Jex), qui s’illustrera par la suite illustré en majordome rocambolesque dans la série Blunt talk avec Patrick Stewart. Les deux acteurs offrent ici deux performances mémorables.
N : 9
IM : 7
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