37 / 11 – 06 Demons of the Punjab
De Vinay Patel
Réalisation : Jamie Childs
Perturbée par le silence de sa grand-mère Umbreen sur sa jeunesse au Pakistan, Yaz convainc le Docteur de l’amener à Lahore peu avant les années 50, mais pas plus d’une heure. Sans le savoir, ils ont atterri dans un petit village du Pendjab le 15 août 1947, jour où la Grande Bretagne annonce l’indépendance de l’empire des Indes et sa partition en deux pays : L’Inde et le Pakistan. Une décision qui entraînera de violents affrontements entre les hindous, les musulmans et les Sikhs de la frontière. Ils apprennent de la bouche de la future mamie qu’elle va se marier à Prem, un hindou qui n’est pas le grand-père de Yaz (mais qui possède la montre qui était censée appartenir à son granpa). Pas le meilleur moment pour un mariage entre un hindou et une musulmane…d’autant moins que des aliens que Prem a recontrés à Singapour pendant la guerre se montrent à visage découvert et butent le prêtre qui allait officier. Le futur marié décide d’aider le Docteur et ses amis à chasser les créatures. Le groupe ne tarde pas à découvrir que ces aliens sont des thijariens, les plus grands assassins de l’univers connu (c’est bien de le préciser, puisqu’il grandit à chaque ère). Mais que viennent-ils faire ici, à cette date, et surtout aussi loin de Angleterre ?
Allons voir si la vieille nous a pas raconté des cracks
Demons of the Pendjab est le deuxième épisode du passé de l’ère Chibnall et, à l’instar du deuxième épisode du futur de cette saison, on peut voir un net progrès. L’appropriation des origines des compagnons pour aller plus loin que l’Angleterre n’est pas une mauvaise chose et peut offrir à la série une perspective plus mondiale. Lier ce voyage à la lignée de Yaz évite l’écueil de Rosa qui forçait l’identification entre Ryan et la population noire des Etats-Unis des années 60. Ici, les choses sont moins artificielles et on arrive enfin à ressentir quelques émotions. Est-ce dû au fait que Chris Chibnall ne soit pas au scénario ? C’est très probable, mais le choix d’un scénariste d’origine indienne est sur le coup plutôt judicieux, ne serait-ce que parce qu’on sent cet enthousiasme de transmettre cette part de son Histoire. Cela permettra également à celui ou celle qui a des origines bien anglaises de connaître une Histoire moins évidente qui ne fait pas partie de sa culture. La beauté des campagnes du Pendjab de 1947 est bien mise en valeur et les accents orientaux de la musique accompagnent les thèmes sans que ça fasse trop forcé. Même si Yaz fait preuve de stupidité à son arrivée, elle sort grandie de « son aventure » et acquiert une dimension supplémentaire. Mais c’est Graham qui gagne le plus de cette virée en affirmant un nouveau rôle, sa sagesse d’homme mûr et son recul face à la vie en font une force tranquille pour tous ces jeunes adoptant une attitude par trop impulsive.
La première scène qui fait exister les amis du Docteur. Ouf!
Cet épisode est donc globalement intéressant et attachant, bien qu’il semble confirmer le template de Rosa sur les épisodes du passé chibnaliens, à savoir un élément SF prétexte à explorer les conflits humains du passé. La variation du jour étant de faire passer les aliens pour les bad guys alors que leurs intentions sont bonnes : A l’extinction de leur planète, les assassins se sont mués en prêtres parcourant l’univers à la recherche des morts inconnus pour honorer leur souvenir. Ils ne se sont pointés que pour venir chercher Prem quand le moment sera venu. Ce rôle mémoriel a une certaine résonnance en cette semaine du cinquantenaire de l’armistice de la guerre 14-18 et il fait d’eux une représentation plutôt bienveillante de la Faucheuse. Mais trop heureux de trouver des victimes et des coupables toutes désignées, Chibnall nous apporte encore une fois un démon à visage humain. Ce sera le frère de Prem, qui refuse que le mariage ait lieu et qui a lui-même tué le prêtre et supprimera son propre frangin. Après les blancs de Rosa, c’est donc l’intellectuel, par opposition aux braves villageois, qui sera le seul bad guy de l’épisode. Avec toute la subtilité que l’on connaît au showrunner.
Des assassins reconvertis en monument du mort inconnu
L’autre écueil de l’épisode est Thirteen qui semble avoir perdu tous les attributs des seigneurs du temps. La Docteure est tour à tour molle, perdue, inquiète, et elle semble avoir fait un reboot mental de ses propres expériences, ne s’en souvenant que pour sortir des punchlines. Un peu plus de véhémence envers Yaz n’aurait pas été de trop, vu ce qui s’était passé avec Rose et son papa (oublier Father’s Day est un crime de lèse-majesté pour l’auteur de ces lignes). Les ambitions de Chibnall sont toujours aussi terre à terre pour un rendu interchangeable avec d’autres séries. Ce qui rappelle à quel point le montage et la musique de Murray Gold, ainsi que le recul appuyé du Docteur sur les événements humains rendaient dans son ton général la série moderne particulière par rapport aux classiques, mais aussi par rapport au reste de la production télévisuelle. Quels que soit les apports de cette nouvelle approche, le risque est de fondre Doctor Who dans le tout venant des séries actuelles.
N : 6
IM : 4
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